Le 17 décembre 2024, le Tribunal de la concurrence (le Tribunal) a publié les motifs de sa décision de rejeter une demande d’autorisation d’intenter une action privée pour abus de position dominante contre un important fabricant de produits pharmaceutiques. JAMP avait demandé l’autorisation de déposer une réclamation contre Janssen Inc. alléguant un abus de position dominante en vertu de l’article 79 de la Loi sur la concurrence (la Loi) relativement à STELARA, le médicament de Janssen contenant l’ingrédient actif ustekinumab. Le Tribunal a rejeté la demande de JAMP. Entre autres choses, sa décision confirme que le Tribunal examinera attentivement la preuve des parties dans l’exercice de son important rôle de filtrage des demandes d’autorisation.
JAMP a demandé l’autorisation alléguant que Janssen, en tant que fournisseur dominant (et auparavant le seul) d’ustekinumab, s’est livrée à une pratique d’actes anticoncurrentiels visant à empêcher ou à retarder l’entrée de concurrents, y compris JAMP, sur le marché pour fournir des médicaments « biosimilaires » qui font concurrence à STELARA. JAMP alléguait que cela avait considérablement réduit la concurrence sur le marché pour l’approvisionnement en ustekinumab au Canada. Elle a demandé plusieurs recours, notamment (entre autres) :
Pour déterminer s’il y a lieu d’accorder l’autorisation à une partie privée en vertu de la Loi, le Tribunal doit déterminer s’il a des « motifs de croire » que le demandeur est directement et substantiellement touché dans ses affaires par la conduite alléguée et si cette conduite pourrait faire l’objet d’une ordonnance en vertu de l’article 79. Bien que le seuil juridique du « motif de croire » soit inférieur à celui de la preuve selon la prépondérance des probabilités, le Tribunal a fait remarquer que cela exige de démontrer plus qu’une « simple possibilité » : le demandeur doit présenter « suffisamment d’éléments de preuve crédibles, convaincants et objectifs » pour satisfaire au critère prévu par la loi pour l’autorisation.
À titre de question préliminaire, le Tribunal devait déterminer si l’entreprise du demandeur devait être touchée dans son intégralité pour avoir gain de cause dans une demande d’autorisation en vertu de l’article 79. Elle a conclu qu’aucun des textes, du contexte ou de l’objet de la disposition n’oblige le Tribunal à ne tenir compte d’une pratique contestée en vertu de l’article 79 que lorsqu’elle a une incidence sur l’ensemble des affaires du demandeur. Cette conclusion est conforme aux modifications à la Loi qui doivent entrer en vigueur en juin 2025, qui modifieront explicitement le critère de l’autorisation de permettre des actions privées lorsque la conduite alléguée ne touche qu’une partie de l’entreprise du demandeur.
Dans le cadre d’une demande d’autorisation, le Tribunal ne tire aucune conclusion quant à savoir si l’intimé s’est effectivement livré à la conduite alléguée ; il examine seulement si la preuve est suffisante pour satisfaire au critère de l’autorisation.
Le Tribunal a conclu que la demande de JAMP ne contenait pas d’éléments de preuve suffisants et convaincants d’actes anticoncurrentiels pour donner lieu à une croyance de bonne foi qu’une ordonnance pouvait être rendue en vertu de l’article 79. JAMP n’a pas non plus produit d’éléments de preuve suffisants et convaincants que son entreprise était directement et substantiellement touchée (le Tribunal a même conclu que certains des comportements allégués s’étaient produits après l’impact allégué).
Plus précisément :
Bien que l’élargissement récent du droit d’action privée par le Parlement puisse accroître les litiges en complétant les contestations du commissaire par un plus grand nombre de demandes privées, la décision JAMP est un rappel que le Tribunal continuera de jouer son important rôle de filtrage pour refuser l’autorisation dans les cas appropriés. Comme dans la décision JAMP, le Tribunal évaluera minutieusement les demandes d’autorisation afin de s’assurer que seules les demandes suffisamment étayées en preuve feront l’objet d’une audience complète sur le fond. Il reste à voir si cette décision aura un effet de refroidissement sur le dépôt des demandes d’autorisation ou mènera à des dossiers de preuve et à des contestations plus solides à l’étape de l’autorisation.
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