Écrit par Cheryl M. Woodin, Charlotte K.B. Harman and Katrina Crocker
Le 9 décembre 2019, le procureur général Doug Downey a déposé Bill 161, la Loi de 2019 sur une justice plus intelligente et plus forte (projet de loi 161), à l’Assemblée législative de l’Ontario. Le projet de loi 161 introduit une refonte complète de la réglementation sur le système de justice de l’Ontario.
Dans le cadre des réformes proposées, le projet de loi 161 propose une liste de modifications et de nouveaux ajouts à la Loi de 1992 sur les recours collectifs (LPC) de l’Ontario, qui n’a pas été substantiellement mise à jour depuis plus de 25 ans. Bien que les nombreuses modifications apportées aux CPA visent à accroître l’efficacité procédurale et à rationaliser les recours collectifs en Ontario, la plus importante est de loin l’introduction d’une exigence de « prédominance » au critère de certification d’un recours collectif en Ontario.
Le libellé du nouvel alinéa 5(1.1)b) introduit une barre considérablement plus élevée à l’exigence de procédure préférable selon plusieurs axes. En vertu du 5(1.1), un recours collectif ne satisfera à l’exigence de procédure préférable au moment de la certification que si, à tout le moins :
- la procédure en tant que recours collectif est considérée comme le moyen supérieur à toutes les options raisonnablement disponibles de déterminer le droit des membres du groupe à une réparation ou de régler la conduite contestée du défendeur; et
- les questions de fait ou de droit communes aux membres du groupe prédominent sur les questions qui ne touchent que les membres individuels du groupe, imitant le langage de la section sur la prédominance de la Federal Rule 23(b)(3).
Bien qu’une exigence de prédominance ait longtemps été un élément du processus d.class actions des États-Unis, elle n’a jamais fait partie du régime canadien. Dans Bendall v McGhan Medical Corp – la première affaire à être certifiée sur une base contestée au Canada – le juge Montgomery a expressément reconnu que la question de la prédominance n’est pas un facteur à prendre en considération en vertu du critère de certification de l’Ontario. Historiquement, l’absence d’une exigence de prédominance est probablement ce qui a fait de l’Ontario (comme d’autres provinces) une juridiction amicale pour les recours collectifs qui impliquent généralement de nombreuses questions individuelles, telles que la responsabilité du fait des produits et les cas de blessures corporelles. Aux États-Unis, de tels cas obtiennent rarement la certification.
L’interprétation judiciaire de ces modifications proposées jouera un rôle important dans la détermination de leur incidence non seulement en Ontario, mais aussi dans le contexte plus large de la coordination nationale des recours collectifs.
D’autres modifications proposées en vertu du projet de loi 161 mettent directement en œuvre les conclusions du rapport d’enquête de la Law Commission of Ontario’s investigative report on class actions publié en juillet 2019. Il s’agit notamment des éléments suivants :
Modifications de procédure visant à accélérer le règlement des cas
- Les modifications proposées visent à atteindre cet objectif en permettant des motions préliminaires qui permettent de régler l’instance, de circonscrire les questions à trancher ou de réduire la preuve à présenter avant qu’une requête en autorisation ne soit entendue.
- Les modifications introduisent également une nouvelle règle concernant le congédiement obligatoire pour retard. Une instance introduite en vertu de l’article 2 de la LPC doit être rejetée à moins que, dans un délai d’un an, le représentant du demandeur ne dépose un dossier de requête final et complet pour l’accréditation, que les parties conviennent par écrit d’un calendrier pour sa signification ou que le tribunal n’établisse un calendrier pour sa signification.
- En interjetant appel d’une ordonnance refusant d’accréditer un recours collectif, un demandeur ne peut pas modifier l’avis de requête en accréditation, les actes de procédure ou l’avis de demande, sauf avec l’autorisation du tribunal dans des « circonstances exceptionnelles ou imprévues ». En d’autres termes, la « reformulation » des recours collectifs en appel n’est plus une question de routine.
- Enfin, les modifications s’ajoutent aux circonstances prévues au paragraphe 28(1) dans lesquelles les délais de prescription continueront de s’exécuter contre les membres du groupe. L’article comprendra maintenant que la période reprend lorsqu’un tribunal refuse d’accréditer le recours collectif.
Transparence accrue des règlements, des honoraires des avocats du groupe et du financement des litiges entre tiers
- Les modifications proposées précisent de nouvelles exigences en matière de preuve pour demander l’approbation par les tribunaux des ententes de règlement. Les modifications autoriseraient un tribunal à nommer une personne ou une entité pour administrer la distribution des fonds de règlement et à l’obliger à déposer un rapport détaillant les renseignements essentiels sur le règlement.
- Les tribunaux doivent d’abord déterminer si les ententes d’honoraires entre les avocats et les représentants des demandeurs sont justes et raisonnables avant de pouvoir être approuvées. En vertu de ce changement proposé, un tribunal peut également retenir une partie des frais jusqu’à ce qu’il puisse déterminer si le groupe a été rémunéré équitablement.
- Enfin, les modifications proposent un nouvel article 33.1, qui codifie les exigences relatives à l’approbation par les tribunaux des ententes de financement avec des tiers.
Réduire la multiplicité des recours collectifs
- En vertu d’un nouvel article 13.1, lorsque deux ou plusieurs procédures portant sur des sujets et des membres du groupe similaires sont intentées en Ontario, le tribunal peut ordonner qu’un ou plusieurs soient suspendus. Dans le cadre d’une requête en transport, le tribunal déterminera quelle instance fait le mieux avancer les réclamations des membres du groupe d’une manière efficace et rentable.
- Les modifications proposées visent également à traiter des recours collectifs multijuridictionnels et des motions de transport.
- Si un recours collectif est intenté dans une province autre que l’Ontario et implique des sujets et des membres du groupe similaires à ceux d’une procédure en Ontario, le tribunal doit déterminer s’il est préférable qu’une partie ou la totalité des réclamations de certains ou de tous les membres du groupe soient réglées dans cette autre province
Ajout d’exigences pour l’avis aux membres du groupe
- D’autres modifications proposées exigent que tous les avis aux membres du groupe soient maintenant communiqués en anglais et en français et dans un langage simple en utilisant le contenu prescrit par la loi modifiée.
En conclusion, le projet de loi 161 contient la grande majorité des changements proposés par la Commission du droit de l’Ontario, mais il reste à voir si les mesures procédurales simplifiées seront réalisées, étant donné que la nouvelle exigence de prédominance en matière d’accréditation est susceptible de limiter la disponibilité des recours collectifs en Ontario dans son ensemble. Le projet de loi 161 en est maintenant à la première lecture. Les avocats et les sociétés qui sont exposées à des recours collectifs devraient surveiller de près le projet de loi 161 qui sera adopté par l’Assemblée législative de l’Ontario en 2020.