Présentation de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC)

04 octobre 2018

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Écrit par Darrel H. Pearson, Sabrina A. Bandali, Jessica B. Horwitz, Jessica L. Roberts, Margaret M. Kim, and John M. Weekes

Après 13 mois de négociations, les États-Unis, le Mexique et le Canada ont conclu l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). L’AEUMC est conçu pour remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) vieux d’un quart de siècle. Le nouvel accord, conclu le 30 septembre 2018, devrait tempérer l’incertitude qui plane sur l’accès des biens et services canadiens au marché américain et améliorer la confiance des entreprises au Canada. Cependant, l’AEUMC n’entrera pas en vigueur tant qu’il n’aura pas été ratifié, ce qui pourrait ne pas se produire avant le début de 2019.

Dans l’ensemble, l’AEUMC maintient l’intégration régionale du marché nord-américain, tout en offrant un meilleur accès au marché, des exigences plus élevées en matière de contenu régional et des mécanismes de coopération intergouvernementale. Cette mise à jour donne un aperçu de certains des principaux changements introduits par l’AEUMC.

Accès aux marchés et mesures réglementaires pour les produits agricoles, alimentaires et de boissons

L’AEUMC conserve en grande partie le même accès au marché en franchise de droits qui existe en vertu de l’ALENA, avec quelques concessions notables du Canada pour les produits laitiers, la volaille et les œufs. Ces marchandises ont traditionnellement été protégées au Canada, qui était un point focal politique pour les États-Unis même avant les négociations.

Produits laitiers

Les concessions que le Canada a faites pour accroître l’accès des États-Unis au marché canadien des produits laitiers ont fait l’objet d’une attention considérable. Le Canada a accepté d’augmenter ses contingents tarifaires (CT) pour le lait, la crème et le fromage américains, ce qui signifie qu’un plus grand nombre de produits laitiers américains peuvent entrer au Canada en franchise de droits. Les droits canadiens sur les produits laitiers en dehors de l’accès aux quotas vont jusqu’à près de 300 %. Le Canada accordera l’accès en franchise de droits aux produits laitiers américains, ce qui représente environ 3,6 % du marché annuel du Canada. Il s’agit d’un volume légèrement plus important d’accès aux produits laitiers que celui que le Canada a accordé aux dix partenaires commerciaux des pays riverains du Pacifique en vertu de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).

Dans un geste peut-être encore plus important sur le front des produits laitiers, le Canada a accepté d’éliminer les classes 6 et 7 de la structure des prix du lait dans le cadre du système de gestion de l’offre laitière du Canada, et de limiter les exportations de concentrés de protéines de lait, de lait écrémé en poudre et de préparations pour nourrissons canadiens. Le Canada a créé la catégorie des prix du lait de la « classe 7 » pour permettre la vente de certaines quantités de lait national à des prix très bas dans le cadre du système canadien de commercialisation du lait soumis à la gestion de l’offre, ce qui rend le lait canadien plus concurrentiel par rapport aux produits protéinés du lait (PPM) importés. Le Tribunal canadien du commerce extérieur a statué en 2005 que les PPM étaient des « substances protéiques » plutôt que des produits laitiers, les exemptant ainsi du quota laitier du Canada. Les PPM sont produits en grande quantité aux États-Unis, en particulier dans les États frontaliers comme New York et le Wisconsin. Le prix spécial des députés canadiens des classes 6 et 7 était un irritant pour les producteurs américains de ppm, et souvent cité par le président Trump comme preuve des pratiques commerciales « déloyales » du Canada.

L’élimination des prix du lait des catégories 6 et 7 pourrait avoir une incidence économique plus importante sur les ventes et les prix du lait canadien que les concessions de CT, car elle pourrait entraîner le déplacement de portions importantes de lait canadien pour la transformation industrielle par des substituts de ppm importés. De plus, il sera beaucoup plus difficile pour les producteurs canadiens d’éliminer l’excès de protéines de lait, ce qui exercera une pression à la baisse sur le système de contingents intérieurs. Toutefois, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il était en train d’élaborer un régime de compensation pour aider à soulager la douleur des producteurs laitiers canadiens.

Volaille et œufs canadiens, sucre américain

La volaille et les œufs font également l’affaire, et le Canada a également accru l’accès à l’importation vers les États-Unis pour ces marchandises. Du côté des importations américaines, les contingents pour le sucre canadien et les produits contenant du sucre ont été augmentés.

Avis d’exigence de modifications tarifaires pour certaines marchandises

Un autre nouvel aspect intéressant de l’AEUMC est qu’il exige que le Canada avise les États-Unis de toute modification proposée à l’annexe tarifaire du Canada qui augmenterait les taux de droits sur les importations de produits laitiers, de volaille et d’œufs en provenance des États-Unis ou modifierait les catégories de prix du lait existantes. Les États-Unis doivent faire de même pour les changements proposés aux produits laitiers, au sucre et aux produits contenant du sucre. Des consultations entre les deux États seraient entreprises avant que tout changement ne soit finalisé. Le Canada et les États-Unis ont également convenu de se rencontrer cinq ans après l’entrée en vigueur, et tous les deux ans par la suite, pour discuter de la question de savoir si la section sur les prix des produits laitiers de la Liste relative à l’agriculture entre les États-Unis et le Canada de l’AEUMC devrait être mise à jour.

Grain

Les États-Unis et le Canada ont tous deux convenu d’étendre le traitement national aux grains exportés de l’autre partie en ce qui concerne l’attribution de grades de qualité, afin que le grain étranger ne soit pas assujetti à des normes de classement discriminatoires.

Vin, spiritueux et bière

Une annexe sur les spiritueux distillés, le vin et la bière garantit le traitement national et établit des normes d’étiquetage et de commercialisation pour la vente et la distribution internes d’alcool importé (sous réserve des exclusions préexistantes de l’ALENA). De plus, les États-Unis et le Canada ont conclu une lettre d’accompagnement pour résoudre un différend commercial en cours entre les deux pays au sujet des restrictions sur la vente de vin importé en Colombie-Britannique. Le Canada a accepté d’éliminer les mesures provinciales de la Colombie-Britannique qui permettaient la vente de vin produit en Colombie-Britannique dans les épiceries, en échange de l’abandon par les États-Unis de l’action connexe de l’OMC.

Le chapitre 20, le chapitre sur la propriété intellectuelle de l’AEUMC, énonce également de nouvelles disciplines pour reconnaître et protéger les indications géographiques pour les produits produits dans des régions particulières. L’annexe 3-B sur l’alcool reconnaît certaines indications géographiques protégées pour les produits de spiritueux distillés, y compris « Bourbon Whiskey » et « Tennessee Whiskey », qui ne peuvent être utilisés que par les États-Unis, « Canadian Whiskey » qui ne peut être utilisé que par le Canada, et « Tequila » et « Mezcal » qui ne peuvent être utilisés que par le Mexique.

Les textiles

Le chapitre 6 de l’AEUMC est consacré aux produits textiles et vestimentaires, remplaçant l’annexe 300-B de l’ALENA. Les changements visent à maintenir les chaînes d’approvisionnement nord-américaines existantes et à renforcer le marché régional en resserrant les règles qui permettent les intrants des États non parties. Nonobstant ces exigences, l’AEUMC prévoit un seuil de minimis de 10% (en poids) pour tolérer la présence de contenu provenant de l’extérieur de la région, sous réserve des limites sur la teneur en élastomère.

L’AEUMC permet aux parties de se consulter si une règle d’origine différente est requise pour des marchandises particulières afin de régler les questions de disponibilité de la fourniture de fibres, de fils ou de tissus. Il crée un Comité intergouvernemental sur le commerce et les vêtements qui a un vaste mandat pour traiter des questions découlant du chapitre, y compris en ce qui concerne sa mise en œuvre. L’accord renforce également l’application transfrontalière, établissant des procédures spécifiques pour les vérifications afin de déterminer si les marchandises sont admissibles au traitement tarifaire préférentiel, y compris l’obligation d’aviser la partie hôte si une visite sur place est requise.

Règles d’origine

Le chapitre sur les règles d’origine contient un certain nombre de changements visant à moderniser les règles. Il s’agit, par exemple, d’une augmentation du seuil de minimis de 7 % à 10 % de la valeur rajustée FOB (c.-à-d. la quantité de pièces non originaires qui peuvent entrer dans un produit tout en respectant les règles d’origine applicables en matière de transfert tarifaire). Cela rend les limites de tolérance à l’origine de l’AEUMC conformes à d’autres accords commerciaux canadiens plus récents, comme l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et le PTPGP. L’AEUMC ajoute également certaines règles d’origine concernant les matériaux remanufacturés (recyclés).

Développements automobiles

Nouvelles règles d’origine pour les automobiles

La fabrication automobile a été un point d’achoppement majeur des négociations. L’administration Trump avait émis des exigences strictes de « fabriqué en Amérique », y compris que tous les véhicules fabriqués au Canada et au Mexique doivent contenir au moins 50% de contenu américain pour être admissibles à l’accès en franchise de droits aux États-Unis. Les États-Unis ont également proposé que tous les véhicules soient assujettis à une exigence de contenu nord-américain de 85% pour être considérés comme « originaires » de l’Amérique du Nord (contre 62,5% en vertu de l’ancien ALENA). Après des négociations houleuses, la nouvelle entente de principe représente un compromis. Les règles d’origine révisées pour les produits automobiles exigent ce qui suit (et la plupart des dispositions sont mises en œuvre progressivement avant 2023) :

Les dispositions de l’AEUMC, et en particulier la disposition sur les CVM, visent à maintenir les emplois bien rémunérés dans le secteur de l’automobile aux États-Unis et au Canada, et à arrêter le flux de ces emplois vers le Mexique (16 $US l’heure, c’est environ fo fois le salaire standard pour un travailleur du secteur de l’automobile au Mexique). Il reste à voir si les nouvelles règles auront l’effet escompté. Si les coûts du respect des règles d’origine de l’AEUMC dépassent les droits de douane de la nation la plus favorisée (NPF) de l’Organisation mondiale du commerce (qui, pour les États-Unis, sont d’environ 2,5 % pour les véhicules et les pièces), les entreprises mexicaines pourraient simplement contourner la qualification de l’AEUMC et exporter aux États-Unis en vertu des taux de droits NPF. Cette option pourrait être particulièrement intéressante si les États-Unis imposent des droits de douane en vertu de l’article 232 de la Loi sur l’expansion du commerce des États-Unis à d’autres pays, tout en exemptant le Canada et le Mexique jusqu’à concurrence d’un volume maximal de contingents, comme il est indiqué ci-dessous.

Exemption des mesures prises par les États-Unis en vertu de l’article 232 pour les automobiles

L’un des principaux objectifs du Canada dans les renégociations était d’éviter que les États-Unis ne menacent d’utiliser à l’avenir l’article 232 de la Trade Expansion Act des États-Unis pour imposer des droits de douane contre le secteur canadien de l’automobile pour des motifs présumés de sécurité nationale. L’article 232 est la même disposition utilisée par l’administration Trump au début de 2018 pour imposer des droits de douane sur les importations d’acier (à 25 %) et d’aluminium (à 10 %) en provenance de presque tous les pays (les droits de douane ont été étendus pour s’appliquer au Canada et au Mexique en juin 2018) au motif que les importations de ces produits menaçaient la sécurité nationale des États-Unis. En mai 2018, les États-Unis ont ouvert une enquête semblable en vertu de l’article 232 sur les importations d’automobiles.

L’objectif du Canada a été atteint au moyen d’une lettre d’accompagnement. Les États-Unis ont convenu que, dans l’éventualité où ils imposeraient des mesures en vertu de l’article 232 contre les importations d’automobiles, les mesures excluaient les importations en provenance du Canada pour un total de 2,6 millions de véhicules de tourisme sur une base annuelle, soit 32,4 milliards de dollars AMÉRICAINS de pièces automobiles en provenance du Canada au cours d’une année civile, tous les camions légers étant entièrement exemptés. Le Mexique a reçu le même accord, mais avec une valeur plus élevée pour les pièces automobiles (108 milliards de dollars EU).

Ces chiffres sont nettement supérieurs aux ventes du Canada aux États-Unis en 2017. En perspective, selon les données commerciales du département du Commerce des États-Unis, les entreprises canadiennes ont vendu un peu plus de 1,8 million de véhicules de tourisme neufs aux États-Unis en 2017 et n’ont pas vendu plus de 2,1 millions de véhicules par année au cours des cinq dernières années. De même, le plafond des pièces d’automobile canadiennes est bien supérieur au volume actuel des échanges – la valeur totale des importations américaines de pièces d’automobile en provenance du Canada était d’environ 16,4 milliards de dollars américains en 2017.

L’article 232 de façon générale

Bien que l’AEUMC ne traite pas des droits de douane imposés par les États-Unis en vertu de l’article 232 sur l’aluminium et l’acier, le Canada et le Mexique ont chacun obtenu une deuxième lettre d’accompagnement qui traite des futures mesures prévues à l’article 232. Les lettres d’accompagnement contiennent peu de mesures de protection réelles, ce qui équivaut essentiellement à une exigence de préavis. Les États-Unis sont convenus que s’ils imposaient des mesures futures en vertu de l’article 232, ces mesures ne s’appliqueraient pas contre le Canada ou le Mexique avant 60 jours après leur imposition. Pendant la période de préavis, les États-Unis et le Canada (ou le Mexique) « chercheront à négocier un résultat approprié ». Une fois le délai de 60 jours expiré, l’exemption expire et les tarifs s’appliqueront aux marchandises canadiennes et/ou mexicaines si aucune entente n’est conclue. Les lettres d’accompagnement permettent expressément au Canada et au Mexique de prendre des mesures de rétorsion d'« effet commercial équivalent » si la mesure prise par les États-Unis en vertu de l’article 232 est « incompatible » avec l’AEUMC ou l’OMC (ou l’ALENA, le cas échéant). Le Canada et le Mexique conservent également la capacité de contester une mesure en vertu de l’article 232 à l’OMC. Néanmoins, l’AEUMC ne fait rien pour délégitimer l’application des mesures prévues à l’article 232 contre les proches partenaires commerciaux des États-Unis et ne répond pas à la question de savoir comment un partenaire de libre-échange peut représenter un risque d’accès lié aux matériaux nécessaires pour défendre la sécurité des États-Unis.

Propriété intellectuelle (chapitre 20)

Le chapitre sur la PI de l’AEUMC est « NAFTA-plus », ajoutant plusieurs obligations au-delà de celles précédemment convenues dans l’ALENA original, et pouvant changer le paysage juridique pour les titulaires de brevets, de droits d’auteur, de produits pharmaceutiques, de marques de commerce et de dessins et modèles industriels.

Dans les domaines des brevets et de la propriété intellectuelle pharmaceutique, l’AEUMC exige un minimum de dix ans d’exclusivité de commercialisation accordée par le gouvernement pour les produits biologiques, qui comprennent bon nombre des nouvelles technologies médicales les plus importantes et les plus coûteuses. Le Canada offre actuellement une durée de huit ans, tandis que les États-Unis offrent une période de douze ans en vertu de la Loi sur la concurrence et l’innovation en matière de prix des produits biologiques (BPCIA) de 2009.

L’AEUMC prévoit également que les parties confirment que des brevets sont disponibles pour au moins un des éléments suivants : de nouvelles utilisations d’un produit connu, de nouvelles méthodes d’utilisation d’un produit connu ou de nouveaux procédés d’utilisation d’un produit connu.

Une autre disposition importante liée aux brevets exige que les parties offrent des prolongations pluriannuelle des conditions des brevets lorsque les examens par leur organisme de réglementation ou de brevets prennent plus de temps que les conditions jugées « raisonnables » afin d’indemniser les déposants pour de tels retards.

En ce qui concerne la protection du droit d’auteur, l’AEUMC exige que les conditions du droit d’auteur durent 70 ans après la vie du créateur pour les œuvres, et 75 ans pour les interprétations et exécutions et les enregistrements sonores. Les conditions actuelles du droit d’auteur du Canada sont « la vie de l’auteur plus 50 ans » et 70 ans, respectivement.

Une autre disposition notable concerne l’exclusion des exceptions à l'"usage loyal » de la loi sur le droit d’auteur. Toutefois, le Canada n’est pas tenu d’adopter le régime d’avis et de retrait de style américain pour les fournisseurs de services Internet.

Le chapitre sur la PI offre une protection et une application plus rigoureuses des droits de PI. D’importants recours et pénalités en matière de secrets commerciaux criminels et civils pourraient obliger le Canada à élaborer de nouvelles lois. Il comprend également des mesures à la frontière pour les marchandises contrefaites et piratées qui s’appliquent aux expéditions en transit – à l’heure actuelle, le Canada n’accorde pas un tel pouvoir pour les marchandises en transit.

Nouveaux seuils de minimis pour l’imposition des droits et des taxes

Le Canada a convenu de nouveaux seuils de minimis pour l’imposition des droits (150 $) et des taxes (40 $) sur les envois express entrant au Canada. La plupart des expéditions d’une valeur inférieure à 20 $ ne sont déjà pas assujetties à des droits ou à des taxes en vertu du Décret de remise sur les importations par la poste et du Décret de remise sur les importations par messagerie du Canada, en vigueur depuis 1985.

Les changements pourraient être déroutants pour les entreprises et les consommateurs.

D’une part, les taux de droits pour de nombreux produits sont beaucoup plus bas que les taux de taxe de vente (p. ex., tvh de 13 % en Ontario). Le découplage du seuil des droits du seuil des taxes signifie que pour de nombreuses expéditions, les changements n’auront pas vraiment d’effet pratique. Les taxes de vente s’appliquent toujours à tous les envois de plus de 40 $ CA.

Deuxièmement, la modification ne s’applique qu’aux « envois express », ce qui signifie que les nouveaux seuils ne semblent pas s’appliquer au courrier ordinaire. Les envois postaux réguliers demeureraient assujettis uniquement à l’ancien seuil de 20 $ CA.

En somme, l’AEUMC a potentiellement créé plusieurs catégories aux fins de l’établissement des droits et des taxes , avec l’ancien seuil de 20 $ CA pour les envois postaux réguliers, de 40 $ CA pour la taxe sur les envois express et de 150 $ CA pour les droits sur les envois express. Il reste à voir comment le Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada vont mettre en œuvre et administrer cette disposition, et dans quelle mesure elle facilitera réellement le commerce et profitera aux consommateurs canadiens (ou nuira aux détaillants canadiens).

Lutte contre la corruption

L’AEUMC couvre également des sujets que l’ALENA n’a pas abordés, comme la lutte contre la corruption. Le nouveau chapitre reflète les nombreuses autres conventions internationales qui s’attaquent à la corruption, mais il s’agit du premier cadre nord-américain à le faire. Comme d’autres accords, l’AEUMC exige que les parties criminalisent à la fois les aspects de l’offre et de la demande de la transaction de corruption, et condamne les paiements de facilitation. Il reconnaît également les mécanismes non criminels pour prévenir et décourager la corruption, notamment en promouvant l’intégrité des fonctionnaires et en encourageant les entreprises à adopter des contrôles internes et à établir des programmes de conformité pour prévenir et détecter les infractions de corruption.

Compte tenu de l’asymétrie d’application de la loi entre les États-Unis, le Canada et le Mexique en ce qui concerne les infractions de corruption, il convient de noter que l’AEUMC comprend un engagement renouvelé à l’égard de l’application de la loi, même s’il n’y a pas de conséquences, car cet article n’est pas assujetti au règlement des différends.

Mesures correctives commerciales, règlement des différends et sauvegardes

L’AEUMC conserve le Mécanisme de règlement des différends du Groupe spécial binational

L’AEUMC préserve le « mécanisme de règlement des différends » du groupe spécial binational qui se trouve actuellement dans le chapitre 19 de l’ALENA, et confère à toutes les parties le droit de contester les décisions de l’autre partie en matière de droits antidumping et compensateurs devant un groupe d’experts indépendant. Le chapitre 19 est devenu une question de ligne rouge pour le Canada au cours des négociations et a été vivement contesté par les négociateurs américains.

Le maintien du mécanisme est considéré par beaucoup comme une victoire politique pour le Canada. Il a été utilisé pour trancher d’importants différends commerciaux concernant le bois d’œuvre résineux, les pommes et le porc. Historiquement, le Canada a eu recours aux groupes spéciaux de règlement des différends en vertu du chapitre 19 pour contester les décisions des États-Unis en matière de mesures correctives commerciales, y compris l’affaire du bois d’œuvre résineux.

En ce qui concerne les mesures de sauvegarde mondiales, l’AEUMC est presque identique à l’exclusion actuelle des sauvegardes mondiales en vertu du chapitre 8 de l’ALENA et continue d’accorder un traitement préférentiel aux importations en provenance des autres parties. À l’instar des dispositions de l’ALENA, l’AEUMC stipule que lorsqu’une mesure de sauvegarde est appliquée, le pays qui l’applique fournira au partenaire commercial contre les exportations duquel la mesure a été appliquée « compensation commerciale » sous la forme de concessions, destinées à rééquilibrir l’équation commerciale entre les parties. Une autre observation intéressante est que les mesures de sauvegarde convenues dans les pourparlers bilatéraux entre les États-Unis et le Mexique sont nettement différentes des dispositions de sauvegarde de l’AEUMC dans la mesure où elles éliminent certaines exigences de compensation et l’immunité du Mexique contre les mesures de sauvegarde futures, selon le Comité consultatif sur le commerce des États-Unis reports.

Investissement

L’AEUMC modifie considérablement le paysage du règlement des différends entre investisseurs et États (RAD) pour le Canada et les États-Unis. Pendant trois ans après la fin de l’ALENA, les « investissements hérités » existants maintiendront leurs protections en vertu du chapitre 11 de l’ALENA. Par la suite, le RAD ne sera plus disponible pour les investissements canadiens aux États-Unis ou les investissements américains au Canada. L’accès au DSI est plus restreint mais continu pour les investissements entre les États-Unis et le Mexique. Les investissements Canada-Mexique auront accès au RAD dans le cadre du PTPGP une fois qu’il entrera en vigueur. En dehors de ces mécanismes, les parties peuvent contester les violations des protections de l’investissement par le biais d’un règlement des différends d’État à État en vertu du chapitre 31 de l’AEUMC, ou pas du tout.

Il serait peut-être possible de lire dans les changements les expériences des parties avec le DSI en vertu de l’ALENA. Lorsque l’ALENA a été négocié, beaucoup ont supposé que le RAD serait le plus important pour les investisseurs canadiens et américains opérant au Mexique. Au lieu de cela, le gouvernement canadien a été une cible fréquente de revendications. L’élimination du RAD États-Unis-Canada n’est pas susceptible de changer la position des investisseurs canadiens (les États-Unis n’ont jamais perdu une affaire en litige dans le cadre de l’ALENA) et éliminera une source de risque de litige pour le gouvernement canadien.

ALE entre pays non marché

Une disposition de cette rubrique établit une procédure de consultation si une partie à l’accord entame des négociations de libre-échange avec un pays à économie autre que de marché (p. ex., la Chine). Il clarifie en outre le droit des autres parties de résilier l’accord avec un préavis de six mois. Bien entendu, l’AEUMC prévoit le droit absolu de retrait ailleurs dans l’accord. Néanmoins, cette disposition peut être lue comme un avertissement clair de l’administration Trump au Canada et au Mexique qu’ils doivent être prudents lors de la négociation d’un ALE avec la Chine.

Prochaines étapes

L’AEUMC fait toujours l’objet d’un nettoyage légal. On s’attend à ce qu’il soit signé avant la fin du mois de novembre et qu’il amorce la période de ratification. Peut-être le plus grand obstacle sera-t-il imposé par le Congrès des États-Unis si l’opposition est prise pour des raisons politiques. L’accord nécessite également l’approbation du Sénat mexicain. Au Canada, aucune opposition sérieuse à l’approbation du Parlement n’est prévue et aucune mesure de la part des provinces ne conditionne l’entrée en vigueur de l’accord.

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